Festival d’Avignon : avec « Näss », la danse passe de la transe à l’extase

Dimanche 14 Juillet 2019

Le chorégraphe Fouad Boussouf mêle pratiques ancestrales marocaines et hip-hop.

Par Rosita Boisseau Publié aujourd’hui à 08h00, mis à jour à 10h03

Temps de Lecture 2 min.

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« Näss », de Fouad Boussouf. 21e5806_d5EU9jgNlxZA04XJuOO04lSo.jpg « Näss », de Fouad Boussouf. Charlotte_Audureau

Une fête arrachée au quotidien par surprise, une folle pulsation qui n’en finit pas de monter. Le spectacle Näss (« les gens » en arabe), du chorégraphe Fouad Boussouf, jette sept interprètes masculins dans une virée tempétueuse, chauffée à blanc par la musique rock tradi du fameux groupe marocain des années 1970 Nass El Ghiwane. Le jour court vers la nuit qui voit l’aube se lever, et ça danse encore, ça secoue plus fort, ça ne sait plus s’arrêter.

Näss, créé en 2018, programmé le 5 juin au festival June Events, piloté par l’Atelier de Paris, est à l’affiche, jusqu’au 20 juillet, des Hivernales d’Avignon. Avec plus de 60 dates de représentation d’ici à la fin 2019, dont 50 % à l’étranger – la production part en tournée en Chine –, ce sixième opus de Fouad Boussouf, à la tête depuis 2010 de la compagnie Massala, est l’un des succès chorégraphiques de la saison. Les paliers de la transe sont tellement bien gérés dans Näss qu’ils laissent le public haletant, répondant par une standing ovation immédiate à la fin de la pièce.

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Fouad Boussouf joue comme à la pâte à modeler avec son groupe d’interprètes. Il fait grimper puis descendre l’énergie, équilibre les accès de fougue et les plages de répit pour recharger la machine. Il détache une figure solitaire, extrait un duo, noue une guirlande, sépare les danseurs, les recolle, en électrisant le plateau vide d’un flux permanent. Les percussions métalliques crépitent, les pieds nus claquent. Epaule contre épaule, collé-serré, en file indienne, la troupe, montée sur ressorts, enclenche une chorégraphie non-stop de tremblements, chutes et rebonds, pas glissés, tricotés vite… Soudain, des joutes tournoyantes explosent en acrobaties sèches qui s’apaisent dans une ronde bras dessus, bras dessous. Sauter encore, plus haut toujours, au bord de l’épuisement. La transe frôle l’extase. Jusqu’aux tee-shirts des interprètes qui scandent le tempo en éventant les corps en sueur !

Un art martial et originaire du Haut Atlas

Les danses ancestrales marocaines, qui ont nourri Fouad Boussouf, né au Maroc, installé en France à l’âge de 7 ans, en 1984, et le hip-hop, sa formation de base, font copain-copain dans Näss. Fouad Boussouf ravive ici ses souvenirs d’enfant grandi dans un petit village près de Moulay Driss, « la Mecque du pauvre ». Il assiste à des célébrations religieuses, aux lila, ces cérémonies gnaouas qui durent parfois des semaines. Pour Näss, il a profité, en 2017, de deux résidences au Maroc, l’une à Marrakech et l’autre à Salé, durant lesquelles il a travaillé avec des musiciens et interprètes traditionnels. Il a pris en pleine tête la vigueur dévastatrice de ces fêtes sacrées et profanes. Il a replongé dans la danse berbère ahidous et ses rondes festives, ainsi que dans la taskiwin, proche d’un art martial et originaire du Haut Atlas occidental. Il a tout retrouvé, tout réappris.



Source : https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/07/13/...

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